Qu’on nous pardonne cette référence à D’où viens-tu Johnny, le film de Noël Howard avec Johnny Hallyday, Sylvie Vartan et musique de Jean-Jacques Debout (rien que cela) mais titrer cette interview avec un clin d’œil à ces artistes, au service de la musique et du cinéma, nous semblait naturel pour introduire Jimmy Bregy, un artiste talentueux de moins de trente ans, qui a pourtant un très riche parcours derrière lui.

Portrait de Jimmy Bregy. Photographe :  Matthieu Camille Colin
Portrait de Jimmy Bregy. Photographe :  Matthieu Camille Colin

Tour à tour acteur, choriste mais aussi metteur en scène d’une websérie Infréquentable, sur You Tube, que nous utilisons avec nos élèves de français pour leur faire découvrir des jeux de mots, la notion de l’absurde et quelques blagues, il a aussi réalisé des interviews d’hommes politiques et de grands noms de la variété française, comme Michel Delpech.

Peut-être vous souvenez-vous qu’il fut vainqueur de l’émission télévisée N’oubliez pas les paroles, il y a environ dix ans? Peut-être l’avez-vous dans le spectacle Moi aussi je suis Barbara, peut-être, plus récemment, avez-vous scrollé sur l’application Tik Tok pour découvrir ses vidéos décalées Au Quotidien, dans lesquelles il rend à la fois hommage aux interprètes de la chanson française comme France Gall, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman mais aussi Patrick Bruel ou encore Renaud ou Vianney et même Jul! Voici d’ailleurs un exemple de ces vidéos, insolites et divertissantes.

Nous avons eu l’occasion de l’interviewer et c’est avec plaisir et joie que nous vous en disons un peu plus sur cet artiste qui n’a pas fini de nous surprendre.

Qui êtes-vous Jimmy? Est-ce que Jimmy est votre vrai prénom ?

Certainement pas la « Légende » à laquelle Michel Berger et Luc Plamondon semblaient me prédestiner! Jimmy est bien mon vrai prénom, et je me définirais comme un passionné qui met tout son cœur à essayer de toucher celui des autres. J’ai fait une école de théâtre à Paris quand j’avais 18 ans et j’ai directement enchaîné avec des spectacles, mêlant théâtre et musique. Puis en parallèle de mon activité de comédien, j’écris beaucoup, je compose parfois, et j’interprète mes propres chansons.

Vous nous avez dit avoir fait beaucoup d’interviews plus jeune, pouvez-vous nous en dire plus ? Vous vouliez devenir journaliste ? Ou était-ce une façon de rencontrer certaines personnes ?

Lorsque j’étais au lycée, j’avais déjà beaucoup d’intérêt pour la politique et je voyais que beaucoup de gens de mon âge s’en fichaient totalement. Alors j’ai eu envie, pendant les élections présidentielles de 2012, d’interroger tous les candidats, déjà pour mon plaisir personnel – car le challenge m’intéressait énormément – mais également pour que chacun d’entre eux incitent (notamment) les plus jeunes électeurs à se rendre aux urnes. Avant ça, j’avais commencé par interviewer d’autres personnalités, de la télévision ou du cinéma, pour le plaisir de les rencontrer mais aussi par curiosité d’en savoir davantage sur leurs parcours. 

Portrait de Jimmy Bregy. Photographe :  Matthieu Camille Colin
Portrait de Jimmy Bregy. Photographe :  Matthieu Camille Colin

Quelle a été votre plus belle interview ? Votre plus belle rencontre ?

Sans parler d’un en particulier, j’ai adoré suivre chaque candidat, couvrir certains de leurs déplacements et être dans les coulisses de leurs meetings, mais aussi rencontrer des électeurs de tous bords politiques. La ferveur durant une campagne est vraiment incroyable. Mais je ne parlerais pas de « belles » rencontres. Je faisais un travail journalistique, la distance m’était indispensable. Alors qu’avec des artistes, c’était différent. Le premier à avoir accepté de répondre à mes questions était Jean-Luc Reichmann. Je me souviens d’un homme délicieux, sans aucun a priori quant au fait que je n’avais encore jamais réalisé d’entretien avant lui. Il a été drôle, sensible, chaleureux et je l’en remercie encore aujourd’hui. Mais aussi l’excellent comédien Frédéric Pierrot, interviewé après le succès de « Polisse » et bien avant la série « En thérapie ». On a parlé de cinéma pendant plus d’une heure sur un banc près de la Cinémathèque et c’était un merveilleux souvenir. Mathilda May également, et bien sûr Geneviève de Fontenay, qui m’envoyait de temps en temps des petits mots. On avait souvent des désaccords mais c’était une femme adorable, solaire et très drôle.

Comment vous est venu cette passion pour la chanson française ? Est-ce une « tradition » familiale » ? Vous êtes jeune, donc avez-vous été « initié » par un membre de votre famille ou un ami plus âgé ou par circonstances? Êtes-vous parti à la découverte tout seul ou au fil de rencontres, de suggestions ?

Je me souviens que l’album « Chansons pour les pieds » de Jean-Jacques Goldman avait été acheté par ma mère et que je l’écoutais (déjà) en boucle quand j’avais six ans. Mon père nous passait pendant nos longs trajets en voiture des albums de Joe Dassin ou encore de Michel Fugain. Mais c’est surtout après avoir vu le film « Podium » que s’est réveillée en moi une véritable passion pour Claude François lorsque j’avais huit ans. J’écoutais toutes ses chansons que je connaissais par cœur, je collectionnais magazines, albums mais aussi tous les passages télévisés dans lesquels il apparaissait. Et c’est en me plongeant dans les shows des Carpentier, dans les émissions de Danièle Gilbert ou de Guy Lux, que j’ai découvert tous ces artistes qui ne m’ont jamais quitté depuis. 

Petite pause musicale, voici une chanson écrite par Jimmy Bregy en hommage aux femmes :

Vous écoutez quoi comme musique ? Et en dehors de la chanson française ? Vous allez à des concerts ? Quels artistes vous inspirent ?

J’essaie d’écouter absolument de tout, même si bien sûr, la chanson française est ce qui me touche le plus. Je peux donc passer de Jacques Brel à ABBA, en passant par les Beatles, Céline Dion, Orelsan, Juliette Armanet et Michel Sardou. Je vais autant que je peux à des concerts, pour voir des artistes déjà établis mais aussi pour applaudir des camarades qui sont à leurs débuts car je sais combien il est difficile de faire connaître sa musique et combien il est nécessaire de les soutenir. Beaucoup d’artistes m’inspirent (j’en cite d’ailleurs plusieurs dans ma chanson faussement prétentieuse « Ils me doivent tout ») mais ceux que je cite toujours comme mes « Maîtres » sont Michel Berger, Jean-Jacques Goldman (on y revient) et Véronique Sanson. 

La chanson hommage Ils me doivent tout, Prestation live de Jimmy Bregy :

A part la musique, avez-vous un intérêt pour d’autres formes d’art ou le sport ou autre ?

Le cinéma! C’est d’ailleurs l’option que j’ai choisie au lycée (et mes meilleurs souvenirs en tant qu’élève). Sinon je suis sensible aux artistes de manière générale, à leur façon de créer, de rêver et d’imaginer le monde. Même si pour moi, l’artiste n’est pas forcément celui qui évolue dans un domaine artistique : c’est à la fois celui qui pense d’une manière poétique mais aussi l’artisan minutieux et appliqué à son travail ; c’est aussi bien le sportif dévoué à son équipe que celui qui a les yeux rivés sur ses objectifs personnels et qui désire se surpasser. Ce n’est pas tant la réussite qui fait l’artiste, mais plutôt la tentative, et globalement la sensation du devoir accompli de la meilleure façon possible. 

Comment vous est-venue l’idée d’extraire des bribes de paroles pour vos sketchs ?

Je note toujours plein d’idées, pour des textes comme pour des vidéos. Il se trouve que j’adore et que je dévore les paroles des chansons. En réécoutant Francis Cabrel, j’ai noté la phrase « Quelque chose vient de tomber » issue d’ « Encore et encore » et j’ai trouvé drôle (et très bête) d’imaginer incarner un Francis maladroit qui pourrait dire cette phrase après qu’une tasse lui a glissé des mains. J’ai ensuite tenté de détourner de leurs contextes d’origine plusieurs autres extraits de ses chansons. Et c’est ainsi que la première vidéo est née. 

Quel était le premier « au quotidien » ?

C’était donc Francis Cabrel, et après lui, je n’avais pas imaginé en faire d’autres, mais comme ça m’a amusé, je me suis dit que j’allais en réaliser une avec mon cher Jean-Jacques. La vidéo est partie comme une traînée de poudre et les réactions ont été tellement immédiates, les demandes et les suggestions si nombreuses, que je n’ai pas voulu m’arrêter en si bon chemin. 

Quel est votre process de travail pour réaliser ces petits sketchs ?

Tout d’abord, je réécoute énormément de chansons de l’artiste qui sera au cœur de la vidéo et je note toutes les idées qui me viennent à l’esprit quant aux détournements éventuels. Ensuite, je tourne pendant plusieurs jours les sketchs et je retiens ceux qui m’amusent le plus ; puis vient le temps (long) du montage. Il me faut alors synchroniser chaque extrait de chanson avec mes lèvres. Une fois que tous les sketchs sont prêts, j’enregistre la voix off qui annonce chaque contexte et j’essaie de trouver le meilleur rythme d’enchaînement pour que la vidéo soit la plus efficace possible. 

Vous souvenez-vous de vos émotions quand les personnes ont commencé à manifester de l’intérêt pour vos créations « au quotidien »?

C’était très inattendu. Je n’ai jamais imaginé faire carrière dans l’humour, et du jour au lendemain, je recevais des centaines de messages de gens qui me disaient que ces petits sketchs sans aucune prétention leur faisaient du bien. Ce qui m’a également touché, c’est que l’immense majorité a très bien compris que je n’ai jamais cherché à me moquer des artistes parodiés mais simplement à m’amuser avec leurs chansons et, par la même occasion, faire (re)découvrir leurs répertoires. Que cela contribue à faire naître autant de joie et de témoignages de sympathie est un bien joli cadeau. 

C’est quoi une journée type pour vous en ce moment ?

Ces vidéos me demandent donc énormément de temps de travail mais je continue en parallèle d’écrire des chansons tout en préparant mes prochains concerts. Des journées bien remplies, mais je vous rassure : elles contrastent avec des journées bien plus longues et creuses comme tous les saltimbanques en connaissent (hélas) bien trop souvent! 

Vous étiez très « lisse » physiquement plus jeune (cheveux bien coupés, bonnes manières si on en juge aux itw lol) et malgré une très belle voix, vos prestations étaient très classiques

Oh mais ça n’a rien à voir avec le fait d’être lisse ! Sans aucune comparaison car je n’ai pas un millième de son talent ni de sa carrière, Jacques Brel a longtemps eu les cheveux courts, chantait en costume cravate et était très poli… en était-il lisse pour autant ? Évidemment que non. C’était sans doute l’un des esprits les plus libres et affûtés de la chanson française. En ce qui me concerne, je n’ai jamais cherché à être à la mode, ni à faire des chansons « commerciales », et les gens qui me connaissent savent combien rien ni personne ne m’a jamais empêché de dire haut et fort tout ce que je pense!

Vous laissez pousser les cheveux a-t-il été le point de départ (ou la conséquence) de votre sortie d’une certaine zone de confort, matérialisé par un nouveau type de contenu et un nouveau succès ? Et peut-être source d’un nouvel épanouissement ? Être davantage vous-même ?

Si j’ai désormais les cheveux longs, c’est sans doute aussi une sorte de transition vers un style différent de ce que je proposais jusqu’à présent, avec l’envie de m’amuser à changer d’apparence, pour pouvoir incarner plein de nouveaux personnages. Je ne crois en revanche pas du tout que j’étais dans une « zone de confort » avant ces vidéos. Je suis même convaincu que chanter est ce que je fais de plus difficile car sur scène, je dévoile au grand jour mes aspirations, mes doutes, mes faiblesses. On est nu quand on est seul derrière un micro… et on espère, fébrile, que le public nous habillera de son regard.

Comment vivez-vous cette nouvelle « notoriété » ? Est-ce que cela a changé quelque chose dans vos rapports aux autres et pour votre carrière artistique ?

Je ne crois pas qu’on puisse parler à ce stade de notoriété. La première vidéo de ce concept est sortie en février. C’est encore tout récent. Ça a pris des proportions assez dingues sur les réseaux, mais il vaut relativiser : ce ne sont que des vidéos, et ce n’est pas parce qu’elles fonctionnent plutôt bien aujourd’hui que le succès est assuré pour toutes les années à venir. Il faut au contraire redoubler de vigilance et essayer de rester le plus créatif possible. Le plus dur n’est pas que ça marche, mais que ça dure. 

Que pouvez-vous nous dire sur votre rapport avec vos « fans » ? On vous reconnaît dans la rue ? C’est gérable ? Agréable ? Parfois délicat ?

Ça me fait drôle d’imaginer que je puisse avoir des « fans » alors que je suis le premier à revendiquer combien je suis fan de tant d’artistes… mais on est loin de la cohorte de paparazzis qui guette devant chez moi! J’essaie de répondre à tous les messages que je reçois. Ça demande beaucoup de temps et d’énergie, mais il m’est tellement arrivé de solliciter des artistes que je sais combien il est précieux de recevoir une réponse. Et puis, il y a pire que de recevoir des remerciements et des témoignages d’affection, non ? Un jour, quelqu’un m’a écrit « Tu réveilles nos sourires ». Comment ne pas sourire à mon tour à l’idée que j’ai pu contribuer au sien ?

Êtes-vous suivi uniquement par des francophones ? Vous connaissez l’âge et le profil de votre public ?

C’est très varié. Ça peut aller de l’adolescent au retraité. Bien sûr, ce sont majoritairement des gens qui parlent ou comprennent le français. Mais je reçois des messages depuis l’Espagne, le Congo, l’Irlande… il y a même des gens qui utilisent mes vidéos pour enseigner le français à des débutants!

Cette nouvelle notoriété vous-a-elle ouvert des portes professionnellement ?

Cela m’a permis de faire découvrir mon travail (mes vidéos d’humour mais aussi mes chansons) à un large public, et donc forcément à des gens dans le domaine du théâtre et de la musique. Mais encore une fois, c’est trop récent pour qu’il y ait des retombées immédiates. Il y a des projets qui se dessinent et nous verrons bien ce que ça donnera. Il y a cependant une chose dont je suis fier, en plus de l’affection essentielle qui m’est témoignée par beaucoup de gens, c’est que ces vidéos plaisent à des artistes que j’admire. Des chanteurs, des actrices, des humoristes, qui sont venus me dire des choses adorables et précieuses. Et le fait que Vianney, par exemple, commente et partage la vidéo qui le concerne est évidemment très encourageant. 

Quels sont vos futurs projets que vous pouvez partager avec nous ?

Je vais continuer un peu ce concept, sans mettre de côté la musique. D’ailleurs en juin, je ferai un concert dans l’Indre et un autre en juillet dans la Nièvre. Puis l’écriture, encore et toujours. Des nouvelles chansons sont en travail. Et le théâtre n’est jamais très loin non plus…

De quoi avez-vous envie ?

De chanter avec Jean-Jacques Goldman! Ce rêve fou mis à part, d’essayer de rendre les gens heureux. Je ne sais pas lequel de ces deux rêves est le plus fou… et tant pis si le second sonne un peu niais. En tous les cas, de tenter de leur offrir des moments de joie, de tendresse, d’émotion. C’est finalement très égoïste, car en me préoccupant de leur bonheur, j’ai moins à me soucier du mien. 

Que peut-on vous souhaiter de sympathique dans l’immédiat et pour l’avenir ?

De chanter avec Jean-Jacques Goldman! Ou Véronique Sanson d’ailleurs. Quelle bête de scène. Elle a autant d’énergie que tous ses spectateurs réunis. Sinon, souhaitez-moi ce que je vous souhaite également : de n’être entouré que par des gens qui chamboulent votre cœur. Pas ceux qui vous diront uniquement ce que vous avez envie d’entendre. Ceux qui seront intransigeants et qui vous tireront toujours vers le haut. Et ceux qui, comme disait je ne sais plus qui, connaissent vos défauts et vous aiment quand même. 

Voulez-vous rajouter quelque chose ?

Sortez, chantez, riez! Rien n’est très sérieux. Et pour terminer, ces mots signés Jean-Jacques Goldman (encore et toujours) : « Trêve de discours, y’a rien de pire que l’amour… sauf de ne pas aimer ». 

Une dernière pour la route ! Voici une reprise de Philippe Chatel par Jimmy Bregy très émouvante :

Merci beaucoup Jimmy !

Jimmy Brégy est un homme rare car il assume à la fois de s’intéresser à des domaines « intellectuels » et « sérieux » comme la politique (alors que beaucoup de personnes de sa génération s’en sont détourné) et à des choses beaucoup plus futiles en apparence, comme les chansons de variété dont il réussit à nous démontrer la profondeur des paroles et l’intérêt artistique. Nous forçant à dépasser nos apriori, à plonger dans l’ancien pour y trouver du nouveau, il partage ses goûts musicaux d’une autre époque avec nous et on se surprend à écouter une playlist de Dalida, de Véronique Sanson ou encore d’Edith Piaf. On écoute certains artistes avec une autre oreille. Une agréable façon de sortir des sentiers battus ! N’hésitez pas à suivre cet artiste et à bientôt pour d’autres articles.

Les réseaux de Jimmy Bregy : sur You Tube https://www.youtube.com/@JimmyBregy

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Sur instagram https://www.instagram.com/jimmy_bregy/

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