Affiche du film le péril jeune restauré
Affiche du film Le Péril Jeune restauré © Vertigo Productions

Le péril Jeune, film de Cédric Klapisch, sorti en 1994, il y a bientôt 30 ans, ressort en version restaurée 4K en salles, mercredi 2 Août 2023.

L’occasion de retrouver Romain Duris, Elodie Bouchez, Julie-Anne Roth, Hélène de Fougerolles et Vincent Elbaz au début de leurs carrières et de se replonger dans les années 70, plus précisément en 1976, alors que Tomasi, Momo, Bruno, Léon et Alain s’apprêtent à passer leur bac.

Le Péril Jeune  © Vertigo Productions
Le Péril Jeune © Vertigo Productions

Parce qu’à cet âge, il n’y a pas que les révisions dans la vie mais aussi les filles, la musique, la fête, les expériences festives, sexuelles et sentimentales, la famille et les interrogations professionnelles : poursuite d’études ou pas, nous nous sentons immédiatement proches de ces lycéens de Terminale à l’orée de leurs vies d’adultes.

Le synopsis

Le film est conçu sous forme de flashbacks et se déroule entre les années 80 et 1976. Quelques années après avoir terminé le lycée, quatre jeunes hommes, Momo, Bruno, Léon et Alain, se retrouvent à l’hôpital pour soutenir leur amie Sophie qui va accoucher. Tomasi, le père de l’enfant et leur meilleur ami, est mort d’une surdose un mois plus tôt. Sur le banc de la salle d’attente, tous les quatre se souviennent de 1976, l’année du bac, de leurs quatre cents coups, des filles, des cours et de leur ami aujourd’hui disparu.

LE PÉRIL JEUNE de Cédric Klapisch – Ressortie 2 août 2023 from Les Acacias Distribution on Vimeo.

Le Péril jeune : un film plein d’émotions

Le Péril Jeune s’ouvre à la fois sur une promesse et sur une désillusion. Sur la vie et sur la mort.

Sophie vient d’accoucher de l’enfant qu’elle a conçu avec Tomasi, le rebelle du lycée, le beau gosse qui faisait fantasmer toutes les filles, le camarade plein de charisme de la bande. Tomasi est mort, un mois plus tôt, d’une surdose. Il est toujours curieux de voir comment évoluent nos camarades qui étaient très populaires au lycée. Nous sommes souvent surpris.

Dans la psyché des quatre copains, Tomasi, à cause de sa mort, restera toujours ce jeune homme lumineux qui les attiraient comme les papillons le sont par la lumière. Il était un peu le chef de la bande, celui qui maintenait la cohésion entre ces quatre garçons si différents. Quand Tomasi sombre et s’éloigne, le groupe se délite et ne se retrouve que bien plus tard, alors qu’il est décédé, à l’occasion de l’accouchement de sa compagne. Une façon de partager, avec lui qui est mort, la vie qui continue. Célébrer la vie et pleurer un mort, nous seront tous amenés à le faire. Comme le dit Rilke : « Ainsi vivons-nous, faisant sans cesse des adieux ».

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Le passage à l’âge adulte

Sans doute la vie de Tomasi n’a pas été aussi heureuse que prévue puisqu’il est décédé à la suite de ses addictions et ne connaîtra jamais son fils. Mais ses copains de l’époque, au fur et à mesure qu’ils convoquent leurs souvenirs, ressuscitent le jeune homme à l’âge de tous les possibles, lors de cette année de Terminale, à la fois insouciante et décisive. Ils lui offrent un merveilleux cadeau : ils le ramènent à la vie dans cette salle d’attente d’hôpital.

La vie est belle et cruelle à la fois. Plus on avance en âge, plus les disparitions s’enchaînent, c’est le cycle de la vie même si cela brise le cœur, surtout dans des parcours comme celui de Tomasi, le rebelle qui a jeté l’éponge, qui n’a finalement pas été le plus fort.

Romain Duris dont c’était l’un des premiers rôles, avait joué auparavant dans Chacun cherche son chat de Cédric Klapisch, interprète un soleil noir. A tout moment, Tomasi peut basculer du côté lumineux ou obscur. L’un des flashbacks avec Bruno révèle comment il a progressivement chuté dans la drogue, de manière d’abord festive puis, comme toujours, problématique.

Un film avec beaucoup d’humour

Le Péril Jeune n’est pas une simple chronique d’une année scolaire mais plutôt une plongée dans les souvenirs de jeunesse, ponctué de répliques cultes. Les dialogues sont savoureux et beaucoup d’humour traverse le film. Juges-en par vous-même :

Face à leurs copines féministes : Bon bah nous on va créer le  » Club hommes « , et comme on est ouverts d’esprits, vous aurez le droit de rentrer.

Bruno à Tomasi au sujet de sa prof d’anglais : Et moi, je l’aime et elle, elle s’en fout… – Tu lui as dit ? – De quoi ? – Que tu l’aimes ! – Non. – Ah ! T’as raison de me le dire à moi, tiens !

Au café qui leur sert de QG : Il serait peut-être temps de renouveler les consommations. – Un café avec cinq pailles, madame !

Un film universel et transgénérationnel

Le Péril Jeune parle à tout le monde car nous avons presque tous eu les mêmes années lycée : des cours qu’on écoute d’une oreille, avec des profs parfois chiants, parfois sympas, parfois révélateurs de notre potentiel ; des potes qu’on perd de vue après le bac, des amis qu’on ne voit plus pour une broutille, ce qu’on regrette ; des amours déçues et des occasions manquées. Sans oublier la politique, les manifs, l’envie de s’intégrer dans le monde, de faire entendre sa voix. On a tous été jeunes, on est tous le jeune et le vieux de quelqu’un.

Le Péril Jeune restauré, © Vertigo Productions
Le Péril Jeune © Vertigo Productions

Délicieusement rétro avec cette plongée dans les années 70 non idéalisées, le film évoque la fin des 30 Glorieuses : choc pétrolier, apparition du chômage…Les élèves sont au bout de leurs années lycée et c’est également la fin d’une époque. Bientôt les années 80, les années fric comme on les nommaient, bientôt la fin du bloc communiste mais, encore et toujours, la lutte des classes. Des préoccupations importantes et graves, vues au travers du prisme de l’idéalisme qu’on porte tous en nous à dix-huit ans. Ce film est frais, l’innocence qui s’en dégage,odeur encens patchouli, nous émeut. Il a le goût doux amer de la fin de l’adolescence et de l’entrée dans ‘âge adulte (qui arrive plus tôt qu’on ne le croit).

Le Péril Jeune restauré, © Vertigo Productions
Le Péril Jeune © Vertigo Productions

A un moment, l’un des personnages déclare : « J’aimerais bien voir la tête qu’on aura dans dix ans ». Nous avons tous eu cette réflexionentre potes, et nous avons tous constaté que les élus étaient souvent en nombre réduit : la Grande Faucheuse est passée par là, certains ne verront jamais la tête qu’ils auront dans dix ans…

C’est ce qui fait pleurer Bruno, celui qui était le plus proche de Tomasi, car il réalise que le temps perdu ne se rattrapera plus (aussi bien concernant son histoire d’amour avec la hippie anglaise qu’avec son indisponibilité vis-à-vis de Tomasi). Cette culpabilité, ce regret, cette nostalgie sont universelles. En tant que spectateurs, nous sommes en totale empathie.

Le Péril Jeune restauré, © Vertigo Productions
Le Péril Jeune © Vertigo Productions

D’où vient l’expression Péril Jeune ?

Cette expression découle d’une autre expression : Le Péril Jaune. A la fin du 19e siècle, une des plus grandes craintes des pays occidentaux est que les pays asiatiques fusionnent, les surpassent et gouvernent le Monde. Fin du 20e siècle, l’augmentation des naissances, la progression économique et la détermination des populations, comme on l’a vu lors de la Guerre du Vietnam, relance cette paranoïa que les populations asiatiques pourraient diriger le Monde. Des livres comme Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera d’Alain Peyrefitte ou l’attrait pour la pensée de Mao auprès des étudiants de la fin des années 60, sans compter l’idéologie communiste encore bien implantée dans la France de l’époque, renforcent cette idée d’un Péril Jaune.

Au moment où se déroule Le Péril Jeune, les étudiants sont maoïstes, trotskistes, anarchistes. En 1976, moins de 10 ans après la révolution de mai 1968, le concept de lutte des classes est encore vivace. Si aujourd’hui la politisation des étudiants est plus complexe, il n’en reste pas moins que les inégalités et catastrophes annoncées dans le film nous concernent toujours : le chômage n’a pas été résorbé, comme on le pensait naïvement en 1976; le choc pétrolier n’a été que le début d’une série de crises énergétiques. Si on se remémore la canicule de 1976, qui semblait incroyable, comparée aux températures que nous atteignons actuellement, nous pouvons constater que le film fait état des germes qui viendront à bout d’une époque considérée comme insouciante. A ce sujet, penser que les années 70 étaient uniquement hédonistes est en soit un cliché habituel : la jeunesse versus l’âge adulte ou encore la certitude que les années 70 étaient plus joyeuses que les nôtres. Le film, par petites touches, nous montre que tout n’était pas si simple, qu’échapper à sa condition était aussi difficile qu’aujourd’hui.

Le Péril Jeune restauré, © Vertigo Productions
Le Péril Jeune © Vertigo Productions

Les jeunes inquiétaient cependant le pouvoir politique pour plusieurs raisons : la révolution étudiante de mai 68 pas si lointaine, la prédominance des jeunes générations suite au baby-boom, l’attitude des jeunes ayant grandi avec la libération sexuelle, le refus d’obéissance aux patrons, la méfiance vis-à-vis du capitalisme et une philosophie de vie CARPE DIEM. Il est intéressant de remarquer, qu’à toutes les époques, le Pouvoir a craint les jeunes, qui leur apparaissent comme un contre-pouvoir, une menace, un péril.

En conclusion

LE PERIL JEUNE n’est pas le seul film à traiter de la jeunesse dans un contexte historique particulier : la Boum, Les Roseaux sauvages d’André Techiné, sorti la même année en 1994, et qui se déroule en 1962 pendant la Guerre d’Algérie ou au Plus bel âge, de Didier Haudepin qui suit des étudiants de khâgne, sorti en 1995. La chaîne Arte avait à l’époque commandé une série sur les années lycée et un film comme Les Petites de Noémie Lvosky consitute un peu le pendant féminin du PERIL JEUNE.

Nous recommandons de voir cette version restaurée car il se dégage de ce film une innocence, une fraîcheur, on a des images en vrac, un mélange d’Eau jeune, de Fruit of the Loom et de Smells like teen spirit (les moins de 45 ans n’auront peut-être pas les références, désolée) sur fond de gaz lacrymos, d’odeur de shit, de bière, entouré par des cascades de rire, d’amour et d’amitié, une plongée revigorante dans la jeunesse qui se croit éternelle et qui ignore d’un haussement d’épaule les lendemains qui ne chantent pas.

Le Péril Jeune de Cédric Klapisch,

France – 1994 – 1h41 – Visa 83169 – Avec Romain Duris, Vincent Elbaz, Élodie Bouchez, Nicolas Koretzky, Julien Lambroschini, Julie-Anne Roth, Hélène de Fougerolles.

En salles, en version restaurée à partir du 2 Août 2023.

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